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Poser des limites dans la relation éducative / pédagogique
pour rendre l’enfant autonome ? Conférence donnée à Caen, le 20 octobre 2011 Résumé Car l’autonomie de tout être humain se construit dans un cadre de confrontation à des contraintes et de libertés. Contraintes à travers l’apprentissage du respect des besoins des adultes, des règles, des lois, et libertés à travers la possibilité d’inventer, de créer et même ... de désobéir ouvertement ! Les adultes, parents, enseignants, éducateurs, ont la responsabilité de créer et de garantir un cadre sécurisant pour l’enfant. Quand celui-ci transgresse ces frontières, il doit être confronté en proportion de ce qu’il est en mesure de comprendre, puis qu’and il s’agit de règles définies à l’avance, l’adulte doit appliquer des sanctions éducatives/réparatrices adaptées. Confronter en respectant, sanctionner sans punir, sécuriser sans étouffer, accueillir ses émotions et celles de l’enfant sans les juger, opposer ses frontières sans culpabiliser, rester compatissant sans tout excuser, négocier la satisfaction de ses propres besoins fondamentaux et ceux de l’enfant sans faire de chantage... autant de pièges à éviter, d’authenticité à développer. Comment se construit l’enfant ?
Mu par un désir de vie, que j’appelle aussi « agressivité naturelle », l’enfant doit faire l’expérience douloureuse des frontières des autres, apprendre progressivement que la vie humaine et en collectivité, ne serait-ce qu’avec ses parents, suppose le respect d’un certain nombre de contraintes. Il va ainsi faire l’apprentissage de la frustration, quand il a faim notamment. Et il y des femmes qui donnent le sein à la demande et d’autres quand « l’heure c’est l’heure ». Margaret Mead a observé des tribus du Pacifique où dans les unes les nourrissons avaient un libre accès au sein, d’autres au contraire où l’enfant devait se battre pour y arriver. Il en résultait des comportements très différents des enfants devenus adultes, les uns plus pacifiques, les autres plus guerriers. A cette évocation répond souvent la réaction des parents : « on ne peut quand même devenir leur esclave ». Et voilà comment plein de peurs parentales cachées justifient qu’on va presque se méfier des besoins fondamentaux des nourrissons. Alors se pose la question : comment accueillir cette souffrance du petit enfant ? Il y a derrière les attitudes parentales deux schémas corporels très bien identifiés : Ce qui se joue avec ces 2 triangles, c’est notre capacité, en tant qu’adultes, à savoir distinguer et vivre en 2 temps distincts, le temps des émotions et le temps de la raison : savoir accueillir la souffrance de l’enfant et après rappeler la règle. Or, trop souvent, peut-être par peur de « mollir » ou d’être confronté à sa propre souffrance, l’adulte se réfugie derrière le droit, la morale... Cela renvoie à une distinction très importante concernant nos comportements :
Ce n’est que progressivement que nous allons devenir des « homo sapiens", doués de raison, qui permettra - par delà les modes de réaction reptiliens, les émotions mammifères - de satisfaire la réalisation de « valeurs », à travers le respect des autres, de la solidarité et même le renoncement à la vengeance. Ce « tu n’est pas content » traduit plus exactement le dérangement du parent face à la colère/tristesse perçue chez l’enfant. Il est très important que les parents, en parlant à leurs enfants, que les enseignants et éducateurs s’adressant aux élèves utilisent les mots justes pour que l’enfant puisse apprendre à les utiliser à son tour. Et le vocabulaire des émotions devrait être le premier a être transmis aux enfants, car c’est de leur capacité à mettre des mots sur leur vécu qu’ils arriveront progressivement à canaliser l’énergie de ces émotions et éviteront des comportements violents nés de leur frustration refoulée. La loi, le cadre, l’adulte garant
En France en particulier et en Occident en général - question de culture - on parle du besoin de liberté des êtres humains. En fait il serait plus exact de parler de "besoin d’autonomie". Car l’autonomie est faite de contrainte et de liberté, de liberté dans un cadre contraint. Les sociétés humaines ont toutes inventé des lois, des règles. Toutes ces lois et règles se résument à la loi fondamentale « sécurité dans mon corps, dans mon âme, dans mes biens ». C’est pourquoi il y a des inter-dits, des « paroles entre » qui permettent la relation. Sans loi, pas de sécurité, pas de confiance, pas de relation. En tant qu’éducateurs nous avons un devoir de transmettre des inter-dits pour aider l’enfant à devenir autonome, c’est-à-dire à savoir exploiter toutes sa liberté à l’intérieur d’un cadre contraint, celui des interdits fondamentaux, du meurtre, de l’inceste et déjà de l’injure ! Les adultes ont la responsabilité non seulement de transmettre ces interdits, aussi de les respecter eux-mêmes et de se porter garants auprès des enfants qui seraient victimes d’autres adultes ou enfants ! Malheureusement, il y a une très grande confusion entre inter-dits, lois, règles et « normes » : les normes sont des frontières informelles, non écrites des comportements mal tolérés dans un groupe donné. Elles ne sont écrites nulle part. Alors que les lois et les règles doivent être écrites et accompagnées de « sanctions » pour leur donner une forme concrète d’interdit : si la loi ou la règle est transgressée, il doit y avoir une pénalité et un processus de réparation pour le groupe et / ou la victime qui a subi un préjudice. Trop souvent l’adulte, en impuissance, « punit » l’enfant, c’est à dire lui inflige une peine en fonction de son propre état émotionnel, trop souvent la colère ou la honte... Or quand l’enfant est en insécurité dans l’un de ces domaines et qu’il n’a pas appris à l’exprimer comment fait-il : soit il devient inhibé (timidité, manque de confiance en soi), soit il fuit, soit... il attaque. C’est le reptilien qui réagit ! Ex. Une institutrice raconte que le jour de la rentrée il y a dans sa classe un enfant qui s’appelle Thomas, qui est grossier, qui pète, rote, fait du bruit, dérange les autres enfants. Deux jours plus tard, elle se souvient d’un autre Thomas qui avait les mêmes comportements. Beaucoup plus tard, après avoir eu toutes les peines du monde pour le contenir, à bout, elle explose de colère et l’enfant se calme immédiatement. Elle n’a plus eu de problème avec lui. Par contre l’année suivante, c’est une de ses collègues qui l’a récupéré et qui subit ses comportements revenus ! Notre rapport à la colère est très difficile car nous confondons « colère contre » et « colère pour ». La colère contre est celle qui nous fait insulter, taper l’autre qui a déclenché notre réaction. Or la loi nous interdit d’injurier et de taper ! La, loi interdirait-elle la colère ? Impossible ! En fait la vraie colère est une colère « pour... » défendre notre territoire, nos biens, notre dignité, la justice etc. Toute émotion est une « énergie pour... ». Quand elle se transforme en énergie contre, c’est parce qu’elle est refoulée, jugée et que nous nous jugeons d’être aussi « faible ». Ex . Je suis intervenu dans une Maison d’enfants à caractère social (MECS) suite à une gifle donnée par une éducatrice à un adolescent. En retravaillant sur la situation avec l’éducatrice, en rejouant une situation similaire, je lui faisais remarquer qu’elle n’avait pas réagit lorsque son collègue qui jouait l’adolescent la traitait de « connasse », mais qu’elle a explosé quand il la traitait de « putasse ». Elle banalisait « connasse » sous prétexte que c’était courant mais elle ne pouvait accepter « putasse » qui la blessait fortement. Je lui faisait remarquer que la loi qu’elle est sensée faire respecter par ces jeunes ne fait pas de différence et qu’elle n’a pas le droit d’en faire elle-même. Qu’elle doit confronter les jeunes à toutes les lois définies par le législateur. Pourtant elle était convaincue que le jeune l’avait provoqué et que du coup la gifle l’avait calmé. J’ai dû alors lui prouver qu’elle pouvait le calmer autrement, en le confrontant à sa propre « colère pour », qu’elle avait beaucoup de peine à accueillir sans se dévaloriser et que du coup c’était la « colère contre » qui prenait le dessus. Ex : J’étais en vacances chez des amis, et la mère se plaignait du comportement d’un de leur fils qui faisait bêtises sur bêtises : elle se sentait totalement impuissante. Lui ayant demandé ce qu’elle aimerait pouvoir faire dans ces circonstances, elle me répondit « l’étrangler ! ». Comme j’avais confiance dans son amour et ses capacités de compassion pour son fils, je lui répondit « vas-y, c’est ce qu’il attend, il en a besoin ». Elle me regarda ahurie ! Deux jours plus tard ma fille aînée, qui n’était pas au courant de cette discussion, nous confia que le fils en question lui avait dit « j’espère que mes parents me foutront une branlée quand je fais des conneries, parce que j’ai peur d’en faire une trop grave... ». Transmis aux parents... Ce garçon s’est complètement stabilisé. En fait, il vivait dans une très grande insécurité parce que ses parents n’osaient pas le confronter à leur colère ou leur peur, leur tristesse etc. Les adultes, parents, enseignants, éducateurs, ont la responsabilité de créer et de garantir un cadre sécurisant pour l’enfant. Quand celui-ci transgresse des règles définies à l’avance, l’adulte doit appliquer des sanctions éducatives adaptées. Même pour les parents, il y a des choses interdites par la loi : punir pour des actes qui ne sont pas des transgressions. Si un enfant arrive fréquemment en retard à table, on n’a pas le droit de le punir, il faut soit le confronter pour entendre le sens de ses retards, soit trouver une heure du repas qui convienne mieux à tout le monde. De la même façon qu’ils n’ont pas le droit de « priver de dessert » ou d’argent de poche un enfant qui aurait désobéi, serait rentré trop tard un soir, si ce n’est pas d’avance convenu comme privation - sanction d’une transgression comportementale. Avoir de mauvaises notes à l’école ne relève pas de la transgression, donc n’a pas a être doublement sanctionné. J’imagine que ce que je dis peut faire réagir des parents ayant peur de perdre le « contrôle » à la maison. Mais la fonction de parent consiste à trouver un cadre au service de la sécurité et non à imposer sa façon de voir, de défendre les traditions, des projets sur leurs enfants, etc. Pour conclure je tiens à rappeler ces paroles fortes de J. Korczak VOUS DITES C’est fatigant de fréquenter les enfants, J. KORCZAK herve.ott@ieccc.org |
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