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S’entraîner à l’intervention publique sans violence

Par Hervé Ott

Il s’agit d’un recueil de textes de formation qui concernent les enjeux d’une pratique d’action publique collective. Cela concerne autant les relations entre les membres d’un même groupe pour construire la confiance, que la forme d’organisation du groupe, les modes de décision, les processus d’exclusion, d’analyse des situations d’injustice et de méthodes du programme constructif, que les techniques d’intervention à proprement parler et la formation des “entraîneurs” formateurs.

On trouvera associés, des articles publiés dans différentes revues autour des notions de leadership, de conflits interculturels, de formation à l’action sans violence.

L’auteur anime depuis plus de 10 ans des cycles de formation professionnelle à l’animation, la médiation, l’entraînement, en contexte interculturel.

Format : 60 pages A4.


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EXTRAIT

Introduction

Résister et construire

Pour constituer cette brochure, j’ai assemblé des textes que j’utilise dans mes actions de formation.

Dans les années 1970 et 1980, il y avait des demandes de formation sur ce thème de l’entraînement à l’action publique sans violence. Puis cette demande a quasiment disparu. Je soupçonne qu’elle pourrait renaître, compte tenu de la nouvelle vitalité qui se manifeste dans les mouvements citoyens de tous ordre. En tous cas, je voudrais contribuer, avec cette publication, à redonner envie de se former pour “résister et construire”.

D’une part parce que je constate qu’il y a
- soit trop d’improvisation de la part d’organisateurs d’actions de résistance publique, ce qui peut mettre les acteurs en situation plus que dangereuse en cas de répression forte ou même en situation d’impuissance lorsque des personnes “bien intentionnées” provoquent les force de l’ordre ; et dans tous les cas, un manque de structuration démocratique peut conduire à des décisions incompréhensibles pour les acteurs.
- soit le recours à de vieilles méthodes qui ne font plus recettes et sont en même temps inefficaces.

D’autre part, parce que la responsabilité d’organisateur d’action de résistance implique qu’ils soient en mesure d’avoir le contrôle de la situation à tout instant pour éviter les dérapages de quelques individus ou la récupération politique. Et pour cela il y a nécessité d’une bonne préparation des organisateurs, laquelle demande du temps, de la volonté et des moyens pédagogiques, bref de la formation.

Les outils et réflexions qui sont développés dans les pages qui suivent sont le produit d’un double héritage : celui du mouvement des droits civiques aux U.S.A. dans les années 1950-60 et celui du mouvement anti-nucléaire (civil et militaire) en R. F. A. dans les années 1980.
Ils ont été confortés, adaptés à la culture française, suite à mon expérience de formateur dans plusieurs pays du Sud avec des mouvements indépendantistes du Pacifique Sud, mouvement des droits des humains au Liban et au Tchad, des réfugiés politiques mauritaniens au Sénégal. Sans oublier que j’ai fait ma propre expérience du terrain lors de la résistance des Paysans du Larzac dans les années 1970.

On verra que ces outils concernent autant les rapports inter-personnels pour construire la confiance dans un groupe, que les structures d’organisation dans un mouvement (prise de décision, définition des responsabilités, mécanismes d’exclusion), que leur dimension culturelle et que les techniques de résistance à proprement parler.

Toute cette démarche est sous-tendue par l’idée que pour résister, dans nos sociétés, il faut à la fois éviter toute forme de violence et en même temps construire. Ce qui peut paraître évident, mais ne l’est pas tant que ça sur le terrain.

C’est probablement le grand génie politique de Gandhi d’avoir associé “résistance sans violence” et “programme constructif”. Trop souvent les mouvements de citoyens sont confrontés à l’idée qu’il ne suffit pas de contester, qu’il faut aussi proposer. Autant il est facile de s’unir contre, autant il devient très difficile d’éviter la désunion dès lors lorsqu’on fait des propositions sur ce qui devrait être changé. Gandhi a permis de résoudre cette contradiction et affirmant que chaque fois qu’on s’oppose il faut mettre en œuvre un début de réalisation de ce qu’on revendique ! Ainsi tout mouvement de contestation devient un mouvement de transformation, une école de changement, un modèle de démocratie.

Bien que cela paraisse aussi simple en théorie, cette résistance ne peut se faire que si elle reste dénuée de violence. Dans nos États de droit, et par-delà ce qu’on peut penser de l’état du droit qui y règne, le citoyen ne peut avoir aucune légitimité au recours à la violence contre les personnes, quelles qu’elles soient. Seul l’État a le monopole de la violence légitime. Reste alors au citoyen tout le champ de la résistance constructive, hélas encore mal connu dans toutes ses ressources, tant du point de vue des formes d’actions, que des champs d’application depuis la consommation jusqu’au droit.

Je reste perplexe devant le fait que tant de mouvements citoyens, de syndicats et autres groupes de défense d’intérêts particuliers ou collectifs, restent aussi ignorants des ressources de toutes ces techniques. Certes ils ont pratiqué ou entendu parler de telle ou telle forme spécifique, par-delà la grève sous ses différents aspects, le boycott, la grève de la faim. Mais elles sont très rarement utilisées dans une démarche cohérente et ainsi leur effet positif est-il annulé par le contexte dans lequel elle est inscrite. Comme toute action responsable, celle-ci nécessite de la méthode et un suivi permanent de cohérence entre la fin poursuivie et les moyens utilisés.

Un grand débat reste sous-jacent aux récentes actions qui ont conduit à la destruction de bâtiment ou de production agricole. Quand on parle de violence, il s’agit de distinguer d’abord s’il s’agit de violence contre des personnes ou contre des biens. En outre il faut s’assurer que les personnes qui agissent ainsi assument leur geste en le revendiquant publiquement : c’est alors à la justice de se prononcer et de dire si les lois en cours sont encore adaptées à la situation ou si elles nécessitent des aménagements qui tiennent compte des évolutions techniques et sociales. Car il n’y a pas une définition “abstraite” de la violence. Chaque société définit à travers ses lois les limites du tolérable et de l’intolérable. Et ces limites changent sous l’influence des changements que vit toute société.

Un des facteurs de changement de ces lois, c’est précisément les mouvements de citoyens. Qu’on y pense, le droit de se syndiquer, de s’associer simplement, le droit de créer une radio, une chaîne de télévision, d’objecter au service militaire, de désobéir aux ordres infondés et tant d’autres droits qui nous semblent évidents aujourd’hui, ont été conquis de haute lutte et parce que des citoyens ont pris des risques, celui de passer au tribunal, celui d’aller en prison.

Enfin, il s’agit de s’assurer que ces destructions ne soient que symboliques pour alerter l’opinion publique, les élus, les forces morales d’un pays et qu’elles soient compensées par des constructions tout autant symboliques de ce qu’on cherche à promouvoir.

J’espère que la lecture des pages qui suivent donnera envie de se former, de s’entraîner à l’utilisation de ces formes d’action et de relation dans un groupe, une organisation et permettra d’être plus efficace dans les actes de résistance et de construction.

(...)


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